« Altdorf, son climat, ses femmes, son histoire, son ambiance riche en rencontres et propice au brassage des cultures… Tu parles !
_ Du calme, Dreml…
_ Sérieusement, tu en connais beaucoup des villes aussi décaties, toi ? A côté de ça, Sartosa est d’une beauté à rendre un gob’ intelligent !
_ Oui, mais…
_ Nan, y’a pas de « mais » qui tienne ! Cette ville me fait penser au contenu gastrique d’un squig malade ! Et cette taverne ? Hein ?
_ Mais tu as décrété que c’était notre quartier général…
_ Bah oui, en attendant, que fallait-il faire ? M’enfin bon, ça commence à me faire mal d’entendre partout "Le Cul-Sec ? C’est le QG des Sartosa Sea Dogs"… » !
_ N’empêche, on n’est pas plus mal ici que…
_ Stop. N’en dis pas plus ! Ne viens pas me rappeler notre dernier accostage, hein ! Parce que, bon, c’est bien gentil d’échouer un navire par semaine, mais ça commence à bien faire ! »
Dremlin et William furent interrompus par la charmante hôtesse du Cul-Sec, Frida Quatre Doigts.
« J’peux débarrasser vot’ table, M’sieurs ? »
La table en question était jonchée d’une bonne vingtaine de chopines vides, dont quinze environ du côté du Nain.
« Faites donc, faites donc. Nous avons du travail qui nous attend, de toute façon ! C’est que le jour est levé depuis une bonne heure déjà. Mon père me disait toujours de commencer une dure journée de labeur aussi tôt que possible… Qu’est-ce que t’en dis, espèce de feignasse ?
_ Hic ! », se contenta de répondre William.
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Le Capitaine inspectait le registre de bord, dans la grande salle du Cul-Sec. William, avachi sur un banc, fumait sa pipe en contant fleurette à une serveuse (nettement plus fréquentable que Frida, l’honneur était sauf).
« Par ma barbe ! On n’est vraiment pas sortis des ronces ! » maugréa Dremlin.
William émit une onomatopée interrogative, ne détournant pas les yeux du décolleté de la serveuse.
« Des Répurgateurs, toujours des Répurgateurs… mais qu’est-ce que vous avez tous à vouloir devenir corsaires, hein ? Doit y avoir un vice de fabrication, quelque chose du genre. Une bande de traine-savates, voilà ce que vous êtes ! Pis c’est pas tout, on a deux Elfes : l’un qui n’est jamais ressorti de la Forêt des Lutins, l’autre qui ne fait que boire du thé.
_ Moooui. C’est pas faux.
_ Heureusement qu’on a quelques Nains solides. Des Nains viriles, à la barbe bien fournie, solides comme des rocs !
_ Oui, c’est très beau, c’est sûr. Adorable…
_ Hein ?
_ Quoi ? »
Dremlin haussa les épaules, dépité.
« Tu me le dis, si je vous dérange, hein. N’hésite pas !
_ Non, c’est pas ça, mais…
_ Mais je vois très bien ce que c’est, pas besoin de me faire un dessin ! Môssieur William préfère s’occuper d’une petite femelle fadasse plutôt que de l’équipage ! »
Ils furent de nouveau interrompus, cette fois-ci par Abigaël, l’un des matelots récemment recruté (un Répurgateur, bien sûr).
« Dites, Cap’taine…
_ Grmbl.
_ Je voudrais vous présenter un ami. Il souhaiterait rejoindre l’équipage.
_ Ah ? Et ça ne serait pas un Répurgateur, par hasard ? Pour changer ?
_ Non, non.
_ Bien, ça ! Comment se nomme-t-il ?
_ Il s’appelle Ziggy… »
Dremlin marqua une pause. Puis il fredonna :
« Ziggy, il s’appelle Ziggy. C’est un garçon pas com’ les autres... »
Il s’arrêta.
« Hum. Désolé, une vieille chanson que me chantait ma mère. Oui, bien. Donc ?
_ Il attend dehors, Cap’taine.
_ Bien, bien, dis-lui d’entrer. De toute façon, au point où on en est, ça pourra pas être pire… »